jeudi 5 février 2015

La petite bibli du jeudi n°2 / 2015


Qu'Allah bénisse la France

La première fois que j'ai entendu Abd Al Malik, l'auteur de ce livre, c'était un peu après les attentats du début de l'année en France . Il était l'invité du journal de 20 heures, sur France 2 et, en plus de promouvoir son film, il parlait d'une façon assurée et claire des drames que nous venions de vivre .

Quelques jours plus tard, une maman qui tient un super blog : Une chambre à moi, nous parlait justement du livre qui avait inspiré ce film " Qu'Allah bénisse la France " . 

Tant le film qui venait de sortir en salle ne me tentait pas du tout, tant le livre lui, pourrait me permettre de me faire ma propre opinion sur ce titre accrocheur mais peut être aussi dérangeant .
Et c'est en trois jours que j'ai lu cette biographie, n'ayant pas très envie de la lâcher mais plutôt de continuer à comprendre et à réfléchir sur le contenu .

Tout d'abord, Abd Al Malik est un homme extrêmement cultivé, riche de ses apprentissages, de son ouverture d'esprit, de son amour pour l'école qui l'a poussé à se dépasser " Je n'avais aucune revanche à prendre : j'aimais l'école, voilà tout ! " . Son livre est très fluide, bien écrit, prenant, et j'ai passé un excellent moment .

Au début du livre, l'auteur nous explique d'où il vient, ses origines, sa famille, et où ils ont vécu en Afrique puis en France . Nous découvrons ainsi combien sa période en Afrique lui a permis de se construire affectivement parlant, en comparaison à certains de ses amis qui n'ont pas eu cette chance " ... je me suis construit, tout petit, dans une stabilité affective et le respect des adultes, dont j'ai tant de fois lu l'absence dans le regard de certains de mes amis noirs des cités de France, ceux qui n'avaient jamais connu l'Afrique . " Très vite nous sommes face à une grande interrogation, celle de l'importance des origines, qui permet à tout être humain de se construire et d'évoluer . Nous découvrons également l'importance de la famille, le grand respect pour son père, un homme très intelligent mais volage qui d'ailleurs les laissera seuls, ainsi que le portrait de sa mère, une femme forte, ouverte d'esprit, qui plongera dans l'alcool mais qui restera toujours digne et qui leur transmettra son désir " d'aimer la France sincèrement ".

Abd Al Malik a été dans une école catholique à Paris, l'une des meilleures . Il n'a jamais trouvé de réponses dans la religion catholique - mais à aucun moment il ne la dénigre! - et d'une façon naturelle, s'est tourné vers l'Islam. Son témoignage sur cette question est très bien ficelé et nous voyons cette évolution de l'Islam tout d'abord " culturel " - qui rejoint la question des origines - puis cette certaine forme " d'Islam des cités " qui se transforme en " Islam radical " .
Nous comprenons combien ces jeunes ont besoin de reconnaissance, combien ils ont besoin d'un cadre strict, de personnes référentes, d'un esprit d'unité ; tout ce que l'Islam leur apporte, d'après eux et selon ceux qui les guident . Nous ressentons aussi ce besoin de s'exprimer, à travers la musique et là aussi, un besoin de revenir à ses racines " Ce besoin d'affirmer son identité face au modèle blanc dominant s'est manifesté, chez les precurseurs du mouvent ( rap ) sinon par une conversion systématique, du moins par un sentiment de sympathie envers la religion musulmane ". L'auteur expliquera que c'est " par amour de l'écriture qu'il s'était engagé dans le rap " et il quittera par la suite ce milieu " profondément rongé par le cancer de la bêtise , de la violence, de la surenchère et du mensonge " pour une carrière solo, avec le slam .

Certains écrits sont presque choquants et violents, dans la réflexion de ce sentiment d'infériorité de " l'homme noir " face à " l'homme blanc ",qui, n'y est pas pour rien dans toute cette violence, cette sensation de persécution et ce manque d'intégration à la France . Un exemple très significatif : celui de l'alcool et de cette dépendance dans les cités, en comparaison avec ces peuples " martyrisés " par l'Homme Blanc comme les Amérindiens ou les Aborigènes .

Une partie du livre nous explique également les trafics dans les cités, la drogue " dure " - qu'Abd Al Malik n'a jamais consommé -, la perte d'amis, la montée de la violence, et en boule de neige la violence de la police dont ces jeunes se sont servis pour creuser un fossé entre eux et la société . Là aussi, certaines expressions m'ont dérangé, une sensation d'apologie de cette situation , excusée par l'endroit où ils vivaient . L'importance également de certains films est très parlante . S'identifier à Mesrine " référence absolue " à l'époque permettait un respect, une dignité,et une fierté, qui fut détronné par le film Scarface, laissant place à une nouvelle violence .

La fin de cette biographie est, je trouve, portée par l'Amour . Abd Al Malik se tournera définitivement vers le Soufisme ; " Quelle joie de pouvoir enfin réunir rigueur et liberté " . Nous ressentons sa plénitude et ce bonheur de s'être enfin trouvé . Il parle aussi avec beaucoup d'émotions de la femme qui partage sa vie, un passage qui m'a beaucoup touché. Sa découverte aussi du judaïsme et cette main tendue vers les différentes religions lors d'un voyage à Auschwitz nous font vraiment prendre conscience de tout le chemin qu'il a parcouru, lui, ce gosse des cités devenu " un messager de paix " .

Abd Al Malik est un homme que je serais ravie de rencontrer et avec qui discuter.
Je suis convaincue qu'avec plus de tolérance, nous pourrions mieux vivre . Et je suis persuadée que c'est ce message, aujourd'hui, que l'auteur veut faire passer .

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